LETTRE OUVERTE ANPES-FNSF

ETATS DES LIEUX PEJS LSF

Malgré une recommandation de l’ONU qui préconise de sortir de l’enferme- ment des instituts spécialisés, tout est fait pour orienter les enfants sourds vers des structures médico-sociaux. Une politique d’école inclusive voulue par le gouvernement, ne semble pas être prise en considération pour les élèves sourds ayant choisi la LSF.

L’ANPES et la FNSF s’associent pour exprimer leur colère et déplorent que des mesures concernant la scolarisation en LSF ne soient pas toujours res- pectées, ces droits sont constamment dénigrés et bafoués. Nous dénonçons tout particulièrement l’absence des annonces de mesures concrètes qui nous avaient été promises.

Introduction

Les premières classes d’enseignement bilingue (LSF/ français écrit) ont commencé à voir le jour dans les années 80 sous l’impulsion de parents et de professionnels engagés. Plus de trente ans plus tard, en mai 2018, le paysage des classes en LSF en France est encore très disparate

La loi 2005-102 du 11 février pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » institue, pour tout jeune handicapé, un droit à un parcours de formation.

L’article 19 indique que « l’Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire » et l’article 20 précise les mêmes obligations pour l’enseignement supérieur. Concernant les jeunes sourds et l’option bilingue, la loi indique que ce droit ne concerne pas seulement l’éducation mais aussi le parcours scolaire. Elle reconnaît la langue des signes française comme une langue à part entière. En effet, la loi du 11 février 2005 confirme dans l’article L112-2-2 la possibilité d’opter pour une communication et un parcours scolaire bilingue et reconnaît la LSF comme une langue officielle française.

Une circulaire de l’Education nationale (2008-109) précise que dans l’option bilingue, la LSF joue le rôle de langue orale, le français celui de langue écrite. A ce jour, la loi de 2005 donne le choix aux parents du mode de com- munication, et du parcours scolaire de leur enfant sourd, la réalité est tout autre.

Des familles et leur enfant qui ont opté pour une communication bilingue et une scolarisation complète de la maternelle au lycée en LSF, se trouvent confrontés au non-respect de leur choix. Très peu d’élèves Sourds peuvent réellement mettre ce choix en pratique, pour l’année 2017/2018 ils ne sont que 245 pour toute la France, et ce malgré de nombreuses lois, décrets et rapports.

Le libre choix des parents en matière d’éducation des enfants Sourds no- tamment en langue des signes française est constamment bafoué. Ce ne sont pas les lois qui manquent, c’est la volonté politique de les appliquer.

Nous vous invitons donc à constater l’état des lieux réels des PEJS en LSF.

LE PEJS LSF

Anciennement Pass, la circulaire PEJS n° 2017-011 a pris effet en février 2017. Il a été convenu en septembre 2017 qu’un bilan d’un an serait dressé pour décembre 2017, et de nous retrouver ensuite afin d’établir un constat généralisé du dispositif PEJS, or cela n’a jamais été mis en place.

Nous souhaitons vous rappeler les principes majeurs de la circulaire PEJS :

  • de répondre aux besoins de chaque élève et aux choix linguistiques de chaque famille
  • de rendre effectif le libre choix de communication
  • de permettre aux élèves ayant fait le choix d’une communication en langue des signes française de maîtriser la LSF et le français écrit.
  • un regroupement des élèves signants (l’absence de pairs avec qui échan- ger en LSF est un facteur d’isolement et d’appauvrissement de la langue).

Or aujourd’hui en mai 2018, le développement des PEJS LSF est quasi in- existant en France. Selon des informations en notre possession, il en existe seulement 3 dans 3 régions alors qu’il devrait y avoir un PEJS dans chaque académie. Seules 2 régions proposent une filière complète, de la maternelle au lycée et donc une continuité du parcours scolaire en LSF pour les élèves sourds signeurs.

En région d’Ile de France, il y a 3 PEJS mais aucun n’offre de filière complète. Les académies de Paris ou de Versailles ne proposent que des classes primaires, l’une à Massy, l’autre dans le 3è arrondissement.
La continuité du parcours scolaire est donc interrompue.

Celui qui est inscrit comme PEJS sur le site de l’inspection de Seine-et- Marne s’avère être en réalité une ULIS de 13 élèves maximum pour l’élé- mentaire, et 13 élèves pour le secondaire, réservée prioritairement aux élèves du 77 et donc ce n’est pas le PEJS de l’académie de Créteil.

La présence d’un parcours continue et cohérent de l’école maternelle au ly- cée n’est pas respecté, seules 2 villes répondent à cette exigence : Toulouse et Lyon.

A cela s’ajoute qu’il n’existe toujours de parcours PEJS LSF dans la filière professionnelle.

Nous assistons même à des fermetures de classes et ce pour des raisons multiples :

  • Il n’y a pas d’élèves sourds inscrits, alors que personne n’informe les pa- rents de l’existence de la classe, les familles ne peuvent trouver ni les in- formations adéquates ni les personnes à contacter.
  • L’abandon de la gestion de ces classes de la part des corps enseignants épuisés par un manque de soutien flagrant de leur hiérarchie.

On ne peut que constater la méconnaissance de l’existence de la circulaire PEJS de la part des services académiques eux-mêmes. Dans les sites académiques, la mention PEJS LSF n’est pas clairement définie et très dif- ficile à trouver lorsqu’elle existe.

Beaucoup de sites mentionnent toujours les PASS remplacés pourtant de- puis plus d’un an par les PEJS. Leur contenu relève du copier-coller inter- académiques et comporte, de ce fait, des erreurs ennuyeuses.

Le Rapport de l’Inspection de l’EN (Juillet 2012) Note n° 2012-100 constatait d’ailleurs les lacunes au niveau de l’accueil des enfants Sourds dont les parents ont fait le choix de l’éducation bilingue Français—LSF, et la situation a empiré depuis. Actuellement, des familles sont dans l’attente d’une scolarité en LSF pour leurs enfants :

A Caen des familles ont dû s’en remettre au tribunal pour que leurs enfants puissent commencer leur parcours scolaire dans leur langue, nous attendons la décision juridique.

En Seine-Saint-Denis, les élèves de la classe LSF ne pourront plus conti- nuer leur parcours scolaire dans leur département. A ce jour, les 3 élèves de CM2 n’ont aucune affectation officielle pour leur entrée en 6è, un enfant en CE1 devra continuer son parcours scolaire à 50 minutes de transport de chez elle.

A Bordeaux, les élèves sourds de primaire attendent la suite de leur par- cours scolaire en LSF au secondaire, c’est également le cas de ceux de Paris, Rennes et Massy.

A Dijon des familles se sont groupées en association pour demander la création d’un parcours scolaire en LSF pour leurs enfants sourds.

Dans les Hauts de France, à Arras, des familles se regroupent pour deman- der la création d’un parcours scolaire en LSF pour leurs enfants sourds.
Il en est de même dans l’Aube et dans l’Aude.

Et ce ne sont que les exemples récents. Dans bien des cas, les services académiques ont proposé sérieusement aux familles de déménager vers les quelques filières complètes qui existent en France !

En 2018, la possibilité de mettre en œuvre le droit à un parcours scolaire en LSF dépend du hasard, hasard du lieu de vie, car la disparité régionale est énorme, ou hasard des rencontres pour l’information au sujet des classes existantes.

Il est également urgent que l’Education Nationale organise des formations à destination de ses personnels (inspection académique, inspecteur ASH, en- seignant référent).

Par ailleurs, même là où un PEJS existe, des améliorations sont indispen- sables.

Nous déplorons le fait de l’inexistence de la mention de la LSF dans le livret LSU. La LSF est une matière enseignée tout au long de la vie scolaire de l’élève Sourd et doit être figurée en tant que langue première et le fran- çais en langue seconde.

Nous souhaitons attirer votre attention certains points concernant l’Arrêté du 11 juillet 2017 fixant les programmes d’enseignement de la langue des signes française à l’école primaire et au collège.

1- L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS ÉCRIT AUX ÉLÈVES SOURDS S’EXPRIMANT EN LSF

Concernant l’annexe 6 du même arrêté, portant sur l’apprentissage du fran- çais, il est primordiale d’établir rapidement un programme d’enseignement du français écrit aux élèves sourds ayant fait le choix d’une communication en LSF. Un dispositif bilingue comme le PEJS ne saurait fonctionner correc- tement sans un programme bien défini entre les 2 langues : LSF et Français écrit.

2 – VOLUME D’HORAIRE DE L’ENSEIGNEMENT DE LA LSF

Dans certains établissements, les élèves ne bénéficient seulement que d’une heure de cours de LSF tous les 15 jours, dans d’autres ils ont 30 minutes de cours par semaine et d’autres encore 4 heures de LSF par semaine.
Ces disparités d’une ville à l’autre, d’une académie à l’autre montrent que sans des indications indispensables et précises, il est donc laissé à l’appré- ciation libre de chaque établissement scolaire ou de chaque enseignant de décider des heures de cours de LSF hebdomadaire.

Dans le souci de respecter la progressivité des apprentissages et de per- mettre aux enseignants d’atteindre l’objectif demandé, nous demandons l’établissement d’un nombre précis et conséquent d’heures de cours de LSF par semaine pour chaque cycle.

Nous, ANPES et FNSF, vous demandons de prendre en compte tous ces éléments concrets ainsi que ceux contenus dans la « position sur l’éducation » de la FNSF qui renvoie à de nombreuses références réglemen- taires en particulière la convention de l’ONU ratifiée par la France en 2010.

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